Une page se tourne.

Je me tenais droit, face aux montagnes, les yeux scrutant l’horizon dans l’espoir d’y percevoir un mouvement, une ombre furtive. Une bourrasque me fit frémir, chahutant la neige telle de la poudre de diamant. Mais aucune forme de vie ne semblait avoir assisté à ce spectacle. Rien…

Une anfractuosité attira mon attention, et je me mis à la fixer, en y mêlant mes inquiétudes et la course désordonnée de mes idées, et mon regard plongea dans les entrailles de la montagne. Une succession d’image discontinue défila devant moi. J’y vis une cité magnifique mais rongé par un cancer, reptilien. Des hommes et femmes de mon peuple, le regard vide, se déplaçant les uns derrière les autres qu’une chaîne invisible semblait relier. Mais les chaînes ne servaient plus depuis déjà fort longtemps, leurs esprits vidés et brisés étaient la plus solide des laisses.

Une nouvelle bourrasque, plus forte, me fit revenir brutalement dans mon corps, et je vis des visages inquiets tournés vers moi. Mes compagnons… Ils m’ont suivi jusqu’à ce lieu désolé, sans se plaindre, sans rechigner s’adaptant aux pires, fiers. Ce sont des nains !
Mais quel avenir je leur propose, dans quels conditions vont-ils éduquer leurs enfants, jouant sur une terre gelée et rocailleuse ? Ne pouvant pas s’éloigner de plus de dix pas sans encourir un danger mortel ? Déjà un ami avait peut-être payé de mes obsessions. Alors que d’autres se battent pour défendre la liberté et la morale de leurs concitoyens, pendant qu’un nain fou se bat contre des illusions.

« Nains !!! Il est temps de rentrer ! On a besoin de nous !»